Envie d’un nouveau départ ? Et si vous ouvriez une brasserie ?
C’est l’expérience menée par un groupe d’amis depuis cet été à Saint-Antonin-Noble-Val. Leur micro-brasserie, Le Bélier, a déménagé en ville dans de nouveaux locaux, l’occasion pour l‘équipe de finaliser leur reconversion professionnelle vers le monde brassicole. Ils nous ont ouvert leurs portes et nous ont partagé leur expérience.
Il est 14h00, deux étudiants en communication attendent sur le parking de la gare de Caussade, dans le Tarn-et-Garonne. Une belle voiture arrive précipitamment sur le parking. C’est Jimmy Parkes, notre correspondant à la brasserie, qui est le responsable ventes et marketing de l’entreprise. Il nous invite chaleureusement à monter dans sa voiture. Nous quittons Caussade et prenons alors la route pour Saint-Antonin-Noble-Val, en direction de la brasserie. Il nous annonce rapidement que le fondateur du Bélier, John, ne sera pas présent puisqu’il récupère d’un accident qui a eu lieu en début de semaine. Dans la voiture, la conversation commence aisément et une fois les présentations faites, Jimmy nous parle de sa région et de sa trajectoire personnelle.
C’est un coin de France où se sont installés ces dernières années de nombreux anglais, américains et même quelques australiens fortunés. Jimmy, lui-même anglais, est arrivé dans le sud-ouest à l’âge de 9 ans quand sa famille décide de s’installer en France. Son accent représente d’ailleurs bien cette histoire, étant un savant mélange des accents du sud-ouest et de l’anglais.
Il nous explique qu’aujourd’hui il cumule deux activités. Dans le sillage de son père et après des études en traduction à Toulouse, il travaille dans le bâtiment, restaurant les belles demeures acquises par les expatriés anglo-saxons. Depuis quelques années, il se passionne pour la bière et visite régulièrement des brasseries au Royaume-Uni. Certains de ses amis outre-manche se sont même déjà lancé dans l’expérience. Lorsque l’occasion s’est présentée, de rejoindre l’équipe de ses amis John et Simon pour développer ensemble l’activité du bélier, il ne pouvait que dire oui. Ce qui n’était alors qu’un loisir entre amis est finalement devenu un projet beaucoup plus ambitieux, au point où depuis quelques mois Jimmy travaille à mi-temps pour la brasserie.
Plus nous nous rapprochons de notre lieu d’intérêt, plus se dévoile le paysage de Saint-Antonin-Noble Val. La ville se love le long de l’Aveyron dans le fond d’une vallée taillée dans les causses. Le bourg est un haut lieu du tourisme : l’été, les français, hollandais et anglais se pressent dans la région pour profiter des paysages, du patrimoine exceptionnel et de l’art de vivre local. Jimmy nous raconte même que les jours de marché, les voitures se garent en tête à queue le long des routes bien au-delà des premières maisons de la cité. Après avoir traversé l’Aveyron, gonflé des eaux de février, nous arrivons enfin à notre destination. C’est une sorte d’entrepôt placé le long d’une départementale, à l’entrée de la bourgade, sans être trop éloigné du centre pittoresque.
Nous arrivons au moment de la pause, l’équipe est réunie autour d’une table et nous propose de s’y installer pour prendre le thé. L’ambiance est conviviale et nous commençons à échanger avec l’équipe.
Du hobby à la création d’une brasserie
A l’origine du projet on retrouve John, malheureusement indisposé suite à l’accident. Il a commencé à brasser de la bière avec un ami, aujourd’hui reparti en Angleterre pour vivre le grand amour. Ils se sont lancé dans la production de craft beers il y a quatre ans, ne trouvant pas de bières à leur goût. C’est du signe astrologique de John que tire le nom de la brasserie en plus de son désir de créer une bière de caractère, tout comme l’animal. La fondation de la brasserie se fait d’abord chez lui, à Verfeil, un petit village de la région. Ils vendent leurs premières productions à leurs amis avant qu’ils ne rejoignent l’aventure petit à petit. C’est Stacey, sa femme, qui épouse le projet en premier. Elle nous explique qu’au début elle n’était pas forcément une amatrice de bière avant d’y prendre goût et de finalement devenir ambassadrice de la brasserie. Le couple a trois enfants et c’est pourquoi elle nous quitte vers 16h00 pour aller les chercher à l’école. Après Stacey, Simon se lance dans l’aventure et est, avec John, un des deux brasseurs que compte Le Bélier. Installé depuis 15 ans en France, il a cinq enfants, dont Clara, 19 ans, présente à la table, qui nous explique aimer passer régulièrement à la brasserie. Enfin, nous rencontrons aussi Léa, la compagne de Jimmy qui s’occupe du secrétariat et qui elle aussi, file rapidement chercher les enfants à l’école.
Aucun d’entre eux n’était prédestiné à ouvrir une brasserie. Avant de devenir brasseur, John était un ancien ingénieur mécanique. Passionné de brasserie et de bières, il passe aujourd’hui plusieurs heures par jour à faire des recherches, tester des produits, imaginer des recettes. Stacey l’appuie dans cette tâche en s’occupant des ventes, de l’embouteillage ou bien de l’empaquetage. Quant à Simon il travaillait lui aussi dans le bâtiment avant de se reconvertir en brasseur de “potion magique”. Il nous fait part, tout comme Jimmy, de l’usure imposée à leurs corps par leur ancien travail. La reconversion dans le monde brassicole leur permet d’exploiter leur créativité tout autant qu’elle ménage leur santé.
La brasserie se situe dans un entrepôt en cours d’aménagement par les soins de l’équipe. Entre Jimmy et Simon, experts dans le bâtiment et John roi de la soudure, ils ont pu transformer les lieux. Sur les 270 mètres carrés, 90 mètres sont réservés pour le consommateur. Le bar fait face à l’entrée, les tireuses à bières presque prêtes à l’emploi. Sur la gauche on retrouve les sanitaires, pensés pour accueillir les clients en fauteuil roulant. Sur la mezzanine, on aperçoit un gros silo contenant le malt. A la vue de tous, figure aussi une barrique pour faire vieillir des raisins secs biologiques avec du rhum pour l’incorporer à la bière. A l’arrière enfin, on retrouve les différentes cuves pour fermenter la bière, ainsi qu’une chambre froide pour entreposer le houblon. Sur un des murs de l’espace de dégustation, on peut observer une magnifique fresque de leur ami et artiste Vincent Abadie Hafez (ou Zepha, lui même présent sur place), réputé nationalement pour ses caligraffitis.
Si la brasserie a pu évoluer au fil des années c’est par l’appui d’un important réseau sur le territoire de Saint-Antonin-Noble-Val et des amitiés tissées au fil des années. La brasserie a même le soutien de la mairie, qui voit certainement dans le projet la création d’un lieu de rencontre animé pour les habitants, en dehors de la saison touristique. Ici, tout le monde se connaît et les bières du Bélier sont proposées dans différents restaurants de la ville. On la retrouve même au supermarché de la bourgade, à seulement trente mètres de la brasserie : Jimmy nous explique que depuis quelques années, mais d’autant plus depuis la crise sanitaire, la grande distribution tente de répondre à la demande croissante en produits locaux. Toutefois, la cible première de la brasserie reste la vente directe, les restaurateurs et surtout les cavistes de la région Occitanie.
Tout comme Le Bélier, le monde de la micro-brasserie française est en plein essor. Dans toutes les régions du pays fleurissent les brasseries artisanales, en ville tout autant qu’à la campagne. Aujourd’hui, le secteur représente même 7% du marché total de la bière ! Apparus aux Etats-Unis il y a trente ans, les craft beers n’ont cessé de convaincre en Europe en commençant par nos voisins britanniques. C’est ici que John, Stacey, Simon et Jimmy ont découvert la bière artisanale et les combinaisons de goût quasi infinies qu’elle offre. Les craft beers, c’est la promesse d’une bière de goût, aux arômes complexes et associations de saveurs originales que nos brasseurs s’appliquent à promouvoir auprès du grand public.
Des brasseurs responsables qui pensent à l’environnement
Ce réseautage permet aussi à l’équipe de se fournir en matériel nécessaire à la brasserie. Tous ont l’objectif de monter une entreprise la plus respectueuse possible de l’environnement. Ainsi John récupère et restaure d’anciens tanks à lait de la région, pour en faire les cuves de fermentation de la bière. Grâce à son savoir d’ingénieur industriel, il a créé de toutes pièces la majorité des cuves, certaines dotées de systèmes chauffant ou refroidissant les liquides. Cet esprit de la récupération imprègne aussi le choix du mobilier de l’espace chill-out jusqu’à l’évier des sanitaires en passant par leur magnifique escalier en spiral, qui ont tous été chinés dans des déchetteries ou récupérés chez des particuliers. Pour Jimmy et Simon, c’est un élément fondamental de ce projet : monter une entreprise qui n’abîme pas la planète qu’ils laissent aux générations futures. D’autant plus que tous ont des enfants ! C’est ainsi qu’ils ont fait le choix de la bouteille en verre, recyclable, aux dépens de celui de la canette d’aluminium, extrêmement polluante. Les restes de malt et de houblon sont réutilisés pour nourrir les animaux ou bien comme engrais naturels pour le jardin. De la même manière, ils sont en contact depuis peu avec une malterie Occitane, une manière de participer au développement d’une économie locale en circuit-court.
Cependant, la conscience écologique se trouve parfois contrainte par la rationalité économique. Quand il faut se fournir en houblon, ils n’ont parfois d’autres choix que de le faire importer de loin, jusqu’en Australie à l’occasion. Par ailleurs avaient-ils eu l’idée de favoriser les étiquettes en papier mais ont été forcé d’opter pour ce “satané plastique” en raison de la condensation qui se dépose sur les bouteilles. Enfin, pour ce qui est de la machine d’embouteillage, les prix varient de 280 000 euros, pour la “crème de la crème” produite aux Etats-Unis, à 5 000 euros pour une machine assemblée en Chine dans des conditions éthiquement discutables. Un choix cornélien pour l’équipe qui a donc demandé une aide à l’Europe pour acquérir une machine hollandaise à 30 000 euros. Une manière de rester conforme à son engagement environnemental et éthique, et ce malgré les contraintes.
C’est autour d’une dégustation de leurs produits que nous échangeons sur leurs motivations environnementales et éthiques. En plus de la découverte de leurs produits savoureux, nous apprécions tout autant la plus value de leur projet qui fait vivre la communauté de Saint-Antonin-Noble-Val et fait preuve d’un développement raisonné. Une dose d’optimisme allié à leur sympathie naturelle qui est très agréable en cette période morose !
Une année difficile en raison de la crise sanitaire
Malgré le succès de la brasserie à l’échelle locale, la COVID-19 a impacté le fonctionnement de la brasserie. Vous pensez à une baisse du nombre de commandes pendant le confinement ? Que nenni ! Celles-ci étaient même plutôt dynamiques ! Cependant, ouvrir une entreprise en pleine crise sanitaire impose le respect d’un budget restreint, comprenant des recettes moins importantes que prévues et des dépenses régulières. De plus, parce que le Bélier est âgé de moins d’un an, elle n’a pu recevoir les aides de l’Etat ! Une difficulté qui ne met toutefois pas en danger la pérennité de la brasserie, mais qui a forcé certains des membres de l’équipe, comme Jimmy, à cumuler leurs activités.
Cependant, on ne saurait les plaindre totalement vus leur épanouissement grâce au projet. Simon nous fait ainsi part de son plaisir de travailler dans la brasserie, en concoctant de nouvelles recettes innovantes qui stimulent sa curiosité pour le goût. Quant à Jimmy, c’est avec fierté qu’il nous présente la gamme de bières du Bélier et c’est avec un œil pétillant qu’il évoque les arômes de chacune d’entre-elles.
Une adresse que l’on vous recommande !
Durant notre dégustation, ces passionnés nous ont fait part de leur ambition et de leur vision de l’avenir de la brasserie. En plus du bar de 90 m², l’entrepôt disposera d’un espace lounge/chill opérationnel avec canapés où vous pourrez déguster tranquillement votre nouvelle bière favorite en écoutant tranquillement de la musique.
Prochainement, ils souhaiteraient ouvrir un espace restaurant, voire faire du lieu un bar dansant le temps d’une soirée. Tout cela est encore en cours de discussion. Nous espérons qu’ils auront de nombreuses visites et de nouveaux clients, d’autant plus que l’expérience qu’ils proposent est loin d’être désagréable pour le consommateur. Attention toutefois, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé (il fallait bien le mettre quelque part).
En attendant de voir comment évolue la situation sanitaire du pays, Le Bélier a de quoi s’occuper en matière de travaux pour le moment mais espère vous retrouver très prochainement !
Ils accueillent actuellement les clients en vente directe et dans le respect des règles sanitaires. Nos entretiens étaient d’ailleurs régulièrement coupés par les acheteurs venus récupérer leur commande. Pour plus d’informations n’hésitez pas à vous rendre sur la page Facebook du Bélier et à les contacter ! Vous pouvez aussi les suivre sur leur page Instagram.
Il est maintenant 18h00, nous avons passé une après-midi très amusante et intéressante en compagnie de l’équipe du Bélier, mais il est temps de repartir. Après un rire échangé sur la possibilité de dormir entre deux cuves, nous reprenons la voiture pour Caussade, chargés de petits coffrets gentiment offerts. Nous espérons pouvoir revenir très bientôt, totalement séduits par l’expérience.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. LOI no 91–32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.
Thomas Aubineau, le 13/03/2021.